Prenons le temps

"Tout s'accélère". Dans un film, Gilles Vernet montre le danger de cette phrase. Lui comme d'autres auteurs proposent de refuser la dictacture de l'urgence et de profiter du temps présent.

 Nous n’avons jamais aussi peu travaillé dans l’histoire de l’humanité et pourtant, nous manquons toujours de temps. Nous ne pouvons pas répondre à toutes les sollicitations et il faut bien faire des choix, faire des deuils.

Le temps est à la fois le plus élastique et le plus rigide des concepts qui peuplent notre vie. Plusieurs explications de ce paradoxe apparent ont été offertes. Même les clichés que nous utilisons pour en parler du temps en indiquent la nature complexe : le temps file, le temps s’écoule, le temps court, le temps s’étire, le temps passe et parfois même, le temps s’arrête…

Quelle est la valeur du temps?
Pour apprendre la valeur d’une année, demande à l’étudiant qui a raté un examen.
Pour apprendre la valeur d’un mois, demande à la mère qui a mis un enfant au monde trop tôt.
Pour apprendre la valeur d’une semaine, demande à l’éditeur d’un journal hebdomadaire.
Pour apprendre la valeur d’une heure, demande aux fiancés qui attendent de se revoir.
Pour apprendre la valeur d’une minute, demande à celui qui a raté son train, son bus ou son avion.
Pour apprendre la valeur d’une seconde, demande à celui qui a perdu quelqu’un dans un accident.
Pour apprendre la valeur d’une milliseconde, demande à celui qui a gagné une médaille d’argent aux Jeux Olympiques.

Marcel Proust suggérait de profiter du temps présent.

C’est comme si nous devions répondre à la question: « que ferais-tu s’il te restait peu de temps à vivre ». « Et si le monde allait finir, que feriez-vous ? Je crois que la vie nous paraîtrait brusquement délicieuse si nous étions menacés de mourir comme vous le dites. Songez, en effet, combien de projets, de voyages, d’amour, d’études, elle – notre vie – tient en dissolution, invisible à notre paresse qui, sûre de l’avenir, les ajourne sans cesse.

Mais que tout cela risque d’être à jamais impossible, comme tout cela redeviendra beau ! Ah ! si seulement le cataclysme n’a pas lieu cette fois, nous ne manquerons pas de visiter les nouvelles salles du Louvre, de nous jeter aux pieds de Mademoiselle X…, de visiter les Indes. Le cataclysme n’a pas lieu, nous ne faisons rien de tout cela, car nous nous trouvons au sein de la vie normale, où la négligence émousse le désir. Et pourtant nous n’aurions pas dû avoir besoin du cataclysme pour aimer aujourd’hui la vie. Il aurait suffi de penser que nous sommes des humains et que ce soir peut venir la mort ».

Thomas d’Ansembourg évoque l’illusion qui pousse à toujours courir, s’activer, pour trouver un illusoire sens à notre vie. Il propose de mieux comprendre les causes de la fuite – la course -, à laquelle nous sommes souvent soumis, pour réapprendre à vivre.

Pour Eckhart Tollé, dans son livre référence : « Le pouvoir du moment présent », seul le moment présent compte, car lui seul peut nous combler et nous donner un sentiment de paix, de plénitude. Vivre le moment présent, c’est apprendre à lâcher-prise, à se concentrer sur ce que l’on fait ici et maintenant.

Ancien trader, Gilles Vernet a travaillé dans les années 90 dans les plus grandes banques internationales. Vivant à un rythme frénétique, il a tout quitté en 2001 après avoir appris que sa mère était atteinte d’une maladie incurable. Passionné de longue date par la question du temps et du développement exponentiel de la modernité, c’est la lecture du livre « Accélération » d’Hartmut Rosa qui l’a décidé à réaliser un film sur ce sujet. Pour la première fois, un livre proposait une analyse philosophique de ce phénomène dont ses années dans la finance lui avaient montré le pouvoir et l’absurdité. En partageant ses interrogations avec ses élèves, il a été sidéré par la justesse de leurs réflexions et a décidé de filmer cette classe multiculturelle, symbole de l’école Républicaine, qui livrait une image bien plus optimiste que celle véhiculée parfois par les média.