« Et si l’effondrement avait déjà eu lieu » de Roland Gori

Dans cet essai remarquable de lucidité et d'intelligence, Roland Gori souligne à quel point nos outils intellectuels pour penser le monde présent et à venir sont obsolètes.

Roland Gori est professeur émérite de psychopathologie clinique à l’université d’Aix-Marseille et psychanalyste, auteur de nombreux livres. Il a achevé la rédaction de cet ouvrage fin 2019 et a ajouté quelques pages sur la pandémie en cours. Notamment sur l’impréparation dans laquelle nous nous sommes trouvés pour gérer cette crise. Cette crise que nous venons de traverser, avec ses morts, ses souffrances et ses confinements, tend à donner raison à tous les discours de l’effondrement qui, déjà depuis les années 1970 avec le rapport du club de Rome, mettaient en avant les risques encourus par la planète.

La collapsologie

La collapsologie n’est que la part émergée de ces discours d’effondrement, qui renvoient au dérèglement climatique, aux menaces sur la biosphère et la biodiversité, aux risques épidémiques et nucléaires.
Les croyances, les catégories de jugement et les manières de penser le monde et l’humain qui ont fondé et inspiré les sociétés thermo-industrielles se sont effondrées. Aussi sommes-nous pris sous les décombres de cet effondrement.

Nous ne tenons pas compte de ce qui nous arrive

Roland Gori met en garde contre l’idéologie du progrès sans fin et le productivisme inégalitaire et sans limites. Il en appelle à la vigilance face aux tendances politiques autoritaires qui menacent de s’imposer par gros temps de catastrophe.

L’histoire de l’humanité a montré que nous n’évoluons pas forcément vers l’émancipation et le progrès. Nous restons bercés par cette illusion de progrès infini car nous avons tendance à confondre l’évolution du vivant et le développement des techniques. De même que l’on confond organisme et organisation. Nous nous trouvons aujourd’hui dans une « étrange défaite » de nos croyances, comme le sous-titre de son ouvrage l’indique. Il reprend ainsi l’expression de Marc Bloch, pour qui dès le printemps 1940 nous avions déjà perdu la guerre à cause de nos erreurs et illusions dans sa préparation.

De même, si nous avons eu tant de problèmes avec le virus, c’est que nous nous étions démunis des possibilités d’accueillir et de traiter cette invasion virale. La grotesque affaire des masques en illustre notamment les effets désastreux.

 

Les liens qui libèrent » – Juin 2020

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