« Les souvenirs viennent à ma rencontre » d’Edgar Morin

À 98 ans, Edgar Morin, sociologue, philosophe et ancien résistant, fait partie de ces personnes qui ont vu le monde défiler sous leurs yeux, nous offrant, par leur recul, un éclairage passionnant sur la société actuelle.

Edgar Morin compare l’explosion identitaire qui embrase l’Europe avec celle qu’il a connu, il y a 80 ans, à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Le point commun entre aujourd’hui et il y a 80 ans, c’est l’angoisse. Elle est de même nature, elle trouve des boucs émissaires. À l’époque, il y avait une crise économique, une crise de la démocratie et la menace d’une guerre. Les gens se refermaient, laissant la place à une tendance hyper nationaliste et la peur de l’étranger. »

Edgar Morin appelle à prendre « conscience d’une communauté de destins »
Fils unique, orphelin de mère, il a trouvé dans sa vie des frères et des sœurs. Sous l’Occupation, puis au cours des guerres d’Algérie, de Yougoslavie, du Moyen-Orient, et contre la montée de deux barbaries, l’une venue du fond des âges, de la haine, du mépris, du fanatisme, l’autre froide, voire glacée, du calcul et du profit, toutes deux désormais sans freins.
Ces souvenirs témoignent enfin d’une extrême diversité de curiosités et d’intérêts, mais aussi d’une obsession essentielle, celle qu’exprimait Kant et qui n’a cessé de m’animer : Que puis-je savoir ? Que puis-je croire ? Que puis-je espérer ? Inséparable de la triple question : qu’est-ce que l’homme, la vie, l’univers ?
Cette interrogation a jalonné toute sa vie.

Pour le philosophe, acquis depuis longtemps à la cause écologique, la différence fondamentale aujourd’hui, c’est l’universalité du danger. Un danger qui touche la planète « en convulsion ». « On ne sait pas où elle va, et les gens ne prennent pas conscience d’une communauté de destins » regrette-t-il. En somme, nous sommes tous dans le même bateau et l’ennemi ne se trouve peut-être pas là où on l’imagine. « Editions Fayard » – Mai 2019

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